Interview de Céline Seillé, Infographiste 2D/3D, entrepreneure salariée chez GrandsEnsemble depuis 2020
Propos recueillis par Véronique Estrade, rédactrice web, entrepreneure-salariée chez GrandsEnsemble, dans le cadre du budget contributif.
— Céline, explique-nous ton activité
Je suis infographiste 2D et 3D. Je crée des vidéos, soit en animation 2D (motion graphic), soit en 3D en images de synthèse, essentiellement pour des agences de communication spécialisées dans le domaine du médical. Leurs clients souhaitent utiliser ces formats pour promouvoir un nouveau médicament, une nouvelle technique, des outils numériques ou des plateformes auprès des professionnels de santé et des patients.
Je collabore également, en direct, avec des acteurs du secteur industriel. Lorsqu’ils se rendent sur des salons, ils ont parfois besoin de vidéos en 3D pour montrer le fonctionnement d’une machine et ses avantages.
Je travaille aujourd’hui pour ces secteurs, car mon poste précédent m’y a amené. Le hasard fait bien les choses, car j’ai passé un baccalauréat scientifique et mon esprit de synthèse m’est utile au quotidien sur ces projets.
— Justement, à quel moment décides-tu de devenir infographiste 2D/3D ?
Les sciences me plaisaient, mais je rêvais de faire des effets spéciaux. Au moment de m’orienter pour mes études supérieures, j’ai intégré Supinfocom à Valenciennes (actuelle Rubika), qui est une école de cinéma d’animation où j’ai appris la 3D.
C’est après mon diplôme en 2011 que je me suis tournée vers le secteur de la communication, tout en restant spécialisée en animation et en 3D. C’était une période de crise et après avoir arrosé le marché de CV, j’ai été contactée par une entreprise de communication à Troyes pour développer cet aspect. J’y suis restée 8 ans.
— Quand es-tu retournée à Lille et pourquoi avoir fait le choix de créer ton activité ?
Je suis à Lille depuis 4 ans et c’est au même moment que j’ai lancé mon activité à mon compte. Je suis originaire du Nord, je souhaitais y revenir et aussi de devenir freelance. Ce que je ne me sentais pas nécessairement de faire en sortie d’école, et d’autant moins vu le contexte économique.
Le fait d’être en entreprise me rassurait, mais au bout de 8 ans, avec l’expérience, j’avais envie d’être ma propre patronne, de pouvoir traiter directement avec les clients et gérer mon rythme de travail. J’ai donc tenté l’aventure.
— Y a-t-il eu des obstacles pour te lancer ?
Je me suis lancée en 2020 et il y a effectivement eu un petit événement que je n’avais pas prévu au programme : le COVID !
Les premiers mois ont été assez compliqués, puisque naturellement les sociétés reportaient les plans de communication. J’ai donc eu 4 ou 5 mois calmes, même si j’ai tout de même trouvé quelques missions durant la période. L’activité a repris en mai, au moment du déconfinement.
Dans ce contexte, le fait d’être en contrat d’appui au projet d’entreprise (CAPE) chez GrandsEnsemble, tout en touchant le chômage suite à une rupture conventionnelle, m’a permis de traverser cette phase de manière sereine. J’ai pu bénéficier de ce contrat et de ses atouts pendant 1,5 an, le temps de développer mon réseau, puis de lancer mon activité. Si j’avais démarré sous le statut de micro-entrepreneur, ça aurait été très compliqué.
Malgré tout, le COVID a aussi eu des avantages. Cette période a mis le télétravail dans les habitudes des entreprises. Les agences de communication ont vraiment gardé ce principe : travailler à distance et en visio. Ce qui me permet d’ailleurs de ne pas me sentir seule au quotidien avec ce côté relationnel qui perdure. Cette organisation du travail a donc été plutôt favorable au développement de mon activité.
Depuis, je n’ai plus eu de moments de creux puisqu’après la crise, d’anciens contacts m’ont rappelée pour collaborer et les recommandations ont fait boule de neige.
— Comment as-tu connu GrandsEnsemble ?
Au début, je ne connaissais pas et je pensais devenir micro-entrepreneure. C’est un ami qui m’a parlé du système des coopératives d’activité et d’emploi (CAE).
Il faisait lui-même partie d’une CAE à Reims et il m’a présenté ce statut d’entrepreneur salarié, avec tous les avantages et la sécurité qu’il comporte :
— le fait de pouvoir tester son activité pendant un certain temps tout en bénéficiant, dans la mesure du possible, du chômage (contrat CAPE).
— avoir un CDI et de ce fait pouvoir trouver plus facilement un logement.
Ces arguments m’ont tout de suite séduite, car je suis courageuse, mais pas téméraire !
J’ai donc fait une recherche des coopératives existantes à Lille et suis tombée sur GrandsEnsemble. J’ai profité d’un de mes passages à Lille pour assister à une réunion d’information de la CAE.
— Pourquoi avoir choisi une coopérative d’activité et d’emploi ?
Le statut d’entrepreneure salariée me permettait d’avoir les avantages de la structure de GrandsEnsemble pour gérer toute la partie administrative, la comptabilité, auxquelles je ne connaissais rien, et de pouvoir me concentrer sur la production. Durant les périodes où je suis en rush, de ne pas avoir à me soucier de l’administratif, c’est vraiment confortable.
La dimension collective m’a intéressée aussi. Le fait d’être entourée par des corps de métier divers permet éventuellement de croiser nos compétences. Lors de la réunion d’information, il y avait justement des profils très différents : pâtissier, masseur, informaticien, etc.
Enfin, le côté accompagnement m’a plu également : de pouvoir faire un bilan régulièrement sur son activité, de savoir où on en est, de bénéficier de conseils et d’être rassurée par un conseiller ou une conseillère.
— Une belle histoire à nous partager en tant qu’entrepreneure salariée ?
Sur le plan personnel, être salariée m’a permis d’obtenir un logement pour pouvoir m’installer avec mon compagnon. Le propriétaire exigeait 2 CDI pour pouvoir le louer. J’ai donc signé mon CDI chez GE et mon bail le même jour : le 1er septembre 2021.
À moyen terme, nous pensons également à l’achat et ce contrat sera certainement plus rassurant pour les banques que le statut d’indépendant.
— Que t’inspire le statut d’entrepreneure salariée ?
La sérénité. Un ancien collègue s’est lancé à son compte à la même période que moi, mais en tant que micro-entrepreneur. Comme nous continuons à travailler ensemble, je peux directement comparer nos 2 expériences.
Durant les phases creuses, il n’est pas toujours en mesure de se payer et dans ce cas il n’est pas serein, quand de mon côté avec la CAE j’ai constitué une trésorerie d’avance me permettant de lisser mon salaire sur plusieurs mois.
— Peux-tu nous partager un de tes meilleurs souvenirs chez GrandsEnsemble ?
Les rapports que j’entretiens avec mes conseillères et leur accompagnement, et en particulier Isabelle actuellement. Je bénéficie d’un suivi régulier. Au lancement de l’activité de manière assez fréquente, et désormais annuellement, afin de faire un bilan de ce qui a été fait et une projection de ce qui s’annonce.
— Souhaiterais-tu proposer un projet dans le cadre du budget contributif ?
Comme je travaille dans la communication, je pense pouvoir proposer aux autres membres de la coopérative de collaborer avec eux sur leurs supports de communication, print ou en animation : logo, identité visuelle, flyers, cartes de visite, vidéos.
L’idée serait de fournir aux nouveaux arrivants de GE un petit pack de communication graphique pour le démarrage de leur activité.
Le budget contributif permet à chaque membre de GE de faire bénéficier aux autres d’une contribution utile, en retour il perçoit une rétribution convenue collégialement. En savoir +
— Quels sont tes projets pour ton activité ?
Ce sera en fonction des opportunités, mais j’aimerais poursuivre le développement des projets 2D et 3D. Je continue d’ailleurs de collaborer avec un ancien collègue, davantage spécialisé en 3D, et nous croisons nos compétences, ça nous permet de travailler l’un et l’autre sur les 2 types de mission.
— Selon toi, qu’est-ce qui fait ta différence en tant qu’infographiste 2D/3D ?
Généralement, les clients apprécient ma polyvalence, car je peux gérer un projet de la production jusqu’à la livraison finale, en passant parfois par l’écriture du scénario.
Je les conseille à la fois sur le contenu et sur la forme, de cette manière le client réduit les intermédiaires et optimise ses coûts.
Il faut imaginer qu’une vidéo de 30 secondes en 2D prend entre 10 et 15 jours de travail en cumulé. La 3D quant à elle prend beaucoup plus de temps encore. Simplement de créer un personnage pour le rendre animable représente 15 jours de travail, c’est pour ça que les films Pixar emploient des centaines d’infographistes et mettent plusieurs années à sortir. On comprend alors que pour des raisons évidentes de coût, la 2D est souvent davantage retenue par les clients que la 3D.
— Quel conseil donnerais-tu à de futur·es entrepreneur·es ?
Allez à la réunion d’information d’une CAE et voyez tous les avantages qu’elle offre.
J’ai eu la chance d’avoir cet ami qui m’a parlé du principe de la coopérative dès mon lancement. J’ai donc bénéficié de ce conseil-là qui a été clé pour moi. Très peu de gens connaissent et c’est dommage. Même Pôle Emploi, par méconnaissance, recommande rarement ce système quand on veut monter son entreprise. Pourtant, c’est un cadre très rassurant pour se lancer, ne serait-ce que pour tester son activité.
Concernant la participation aux frais de gestion pour le fonctionnement de la coopérative qui peut apparaître comme un frein pour certains, je la vois pour ma part comme un investissement. Tout ce temps que je ne passe pas sur l’administratif, je le consacre à produire et donc je génère davantage de chiffres d’affaires.
Je suis quasiment à temps plein en production toute l’année et le rare temps libre que j’ai je l’emploie à faire de la prospection et du relationnel plutôt que de la comptabilité !
— As-tu une réflexion que tu aimerais nous partager ?
Tant que je travaillerai avec plaisir, je continuerai mon activité. Le jour où il n’y aura plus de plaisir, alors je changerai.
Même dans les phases de rush, où je ne dors pas beaucoup, ça reste du plaisir. Ce qui change tout, et qui est particulièrement satisfaisant, c’est que cette activité je la mène pour moi, et non pour l’entreprise de quelqu’un d’autre.
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